2024, mai/
"Patience et persévérance font puissance". Je ne sais plus de la bouche de qui j'ai entendu cette parole. Je la retrouve sur l'application "notes" de mon téléphone qui me sert souvent de calepin. À nouveau, elle me saisit. Elle me révèle la force à l'œuvre dans tant de labeur caché, et j'ose me l'avouer, sans prétention, dans le mien.
Cette prise de conscience me renvoie encore aux efforts de tant de personnes, en particulier mes parents. Et puis à l'œuvre de Dieu, celui que l'on professe tout-puissant dans le Credo. Tout-puissant, tout patient, tout persévérant à sauver et à relever les hommes et les femmes, les petits et les grands, surtout les personnes abattues par la violence. Elles font preuve d'une force inouïe jusque dans les failles ouvertes dans leur chair par les coups encaissés, violence contenue par cette puissance qui se déploie dans la faiblesse, silencieuse encore, invisible, inaperçue mais d'où sourd la vie. Souvent aussi la violence est plus forte, la vie cède.
Le paysage défile depuis ma place dans le bus à destination de Madrid. Il me renvoie au silence patient de la terre si belle. Elle porte depuis si longtemps la modestie des jours de générations humaines sur le chemin de la vie. Je pense à mes parents, petits employés d'une petite ville de France. Je pense à frère François et à frère Eugène. Je les revoie dans le parc, assis devant la statue de la Vierge de Nazareth, récitant le chapelet comme d'humbles torches vivantes dans la nuit du monde : ils m'ont façonnés à la vie religieuse par leur existence entrée dans la patience et la persévérance de Dieu, puissance cachée. Il s'agit de tout autre chose que la puissance des puissants, tout autre chose. La puissance d'une femme de ménage aux mains de paysanne, comme celle de ma mère. Le silence des mères. Le silence des pères dont les mains travaillent et disent sans parler la persévérance du don de soi, la même puissance du silence des paroles qui ne savent être dites. Mais elles s'élèvent en prière. Ce sont elles qui tiennent le monde dans la puissance de la présence de Dieu.
La même puissance se retrouve chez le dirigeant capable de conduire le travail des siens, les employés de son usine, de son entreprise, parce qu'il aime les gens et le travail au service des autres, loin des "bulles" de spéculation financière, pas si lointaines d'ailleurs puisqu'elles sont capables d'affecter la vie des personnes sur toute la planète et la planète elle-même. Mais là encore, quel déploiement pour résister, inventer, donner, porter, supporter. Là encore, souvent la vie craque.
Mais l’Esprit du Seigneur remplit l'univers. Et patience et persévérance font puissance.
Marc Passas cpcr